Adoption facilitée : une avancée bienvenue, mais les familles arc-en-ciel restent inégalement protégées
Le Conseil fédéral a publié son projet de modification du Code civil visant à simplifier l’adoption de l’enfant du ou de la partenaire. Les organisations faîtières LGBTIQ+ : Transgender Network Switzerland (TGNS), Organisation Suisse des Lesbiennes, bisexuelles et femmes queer (LOS), les Familles arc-en-ciel et Pink Cross saluent cette avancée pour de nombreuses familles en Suisse, mais déplorent le manque de rigueur dans la suppression des inégalités.
Actuellement, lorsqu’un enfant naît dans une famille arc-en-ciel composée de deux parents intentionnels, comme lors d’un don de sperme privé, seul le parent biologique est reconnu juridiquement dès la naissance. L’autre parent doit, selon les circonstances, attendre de longues années avant que le lien de filiation soit établi par une procédure d’adoption complexe, impliquant notamment une année obligatoire de prise en charge ainsi que des investigations intrusives des autorités. Pendant toute cette période, l’enfant reste vulnérable car il n’a qu’un seul parent légal, ce qui met en péril sa sécurité et celle de sa famille en cas de séparation, de décès, etc.
La réforme proposée supprime l’exigence d’une période de prise en charge d’un an avant le dépôt de la demande d’adoption. Cette modification répond à une revendication de longue date des familles arc-en-ciel et représente une amélioration substantielle. En revanche, le Conseil fédéral renonce à d’autres ajustements importants envisagés durant la consultation, tels que la possibilité de clore la procédure dans un délai de six mois, de déposer la requête avant que toutes les conditions soient remplies, ou de prévoir des exceptions à l’obligation de ménage commun de trois ans. « Ces mesures auraient pourtant permis aux enfants d’obtenir plus rapidement une protection juridique complète. Elles auraient constitué une étape supplémentaire, attendue depuis longtemps, car les enfants ont besoin d’une protection juridique dès la naissance, sans passer par la case de l’adoption de l’enfant du/de la partenaire. » déplore Carmen Skalsky, co-mère de trois enfants et co-présidente at interim de la faîtière des familles arc-en-ciel.
En pratique, cela signifie que l’adoption restera une procédure longue et parfois humiliante. Dans certains cantons, jusqu’à 23 documents peuvent être exigés. Muriel Waeger, Co-directrice de la LOS s’exclame : « C’est agaçant de voir que le Conseil fédéral revient sur des propositions vraiment importantes mises en consultation. Les familles concernées vivent ainsi une période d’insécurité juridique inutilement prolongée. Les enfants nés d’un projet parental commun impliquant un don privé ou une PMA à l’étranger continueront donc d’être traités comme des enfants de « seconde classe ».
Daniel Furter, directeur de Pink Cross, quant à lui rappelle : « l’intérêt supérieur de l’enfant exige la reconnaissance de deux parents dès la naissance. Une filiation d’origine devrait être prévue pour tous les parents d’intention vivant ensemble au moment de la naissance. » Cela garantirait en effet à l’enfant des droits essentiels tels que le nom, la nationalité, l’autorité parentale, la pension alimentaire, les prestations sociales ou les droits successoraux.
Si la suppression de la période d’un an constitue une avancée, elle reste insuffisante. « Le Conseil fédéral envoie un signal positif, mais timide : il reconnaît la nécessité d’améliorer la situation juridique des familles arc-en-ciel, tout en laissant persister une inégalité structurelle. » rajoute Jann Kraus, membre du comité de TGNS.
Les organisations LGBTIQ+ appellent donc le Parlement à aller plus loin lors des débats à venir et à garantir enfin l’égalité de protection pour tous les enfants, sans distinction de l’orientation sexuelle ou du mode de conception de leurs parents.